Je souhaite attirer votre attention sur le bruit de fond que j’entends depuis un certain temps. La Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) serait dépassée, superficielle et inefficace. Il faudrait lui substituer les termes d’entreprise « contributive » ou encore « triplement régénérative » qui correspondraient plus justement à la mission qu’elle doit conduire.
Les mots ont l’importance qu’on leur confère ; ce qui compte est ce que l’on en fait. Si l’on n’y prend pas gare, ces termes, aussi pertinents et mobilisateurs soient-ils, pourraient bien subir le même sort.
La Responsabilité Sociétale d’Entreprise souffre d’une réputation mitigée parce que depuis bientôt 20 ans, elle a trop souvent été instrumentalisée. Il est vrai qu’elle a eu bien du mal à se faire une place dans les espaces de pouvoir pour devenir un sujet prioritaire. De fait, elle est rarement admise dans les comités de direction ou les conseils d’administration.
Mal comprise ou perçue comme contraignante sans bénéfices immédiats, elle a pendant longtemps été reléguée à des actions peu impactantes pour la société et non transformante pour l’entreprise.
A la RSE ont vite été associés les mots « mesurettes », « éco-gestes » ou encore « argument de façade ». Puis, la règlementation a mis un peu de rigueur dans l’exercice, obligeant les grandes entreprises à la considérer avec un peu plus d’attention. Se sont enfin manifestés les clients puis les investisseurs et les actionnaires, qui ont exprimé leurs attentes sur le sujet, avec un effet beaucoup plus efficace.
Pour autant, la RSE reste encore le parent pauvre de la stratégie et de la gouvernance des entreprises. Combien de dirigeants l’adressent aujourd’hui comme un projet de transformation ? Combien d’organisations revisitent leur modèle économique et leurs critères de décision sur la base d’un engagement RSE ? Et si l’on se penche sur les petites et moyennes entreprises, qui constituent l’essentiel de la force économique du pays, combien d’entre elles ont engagé une telle démarche ?
Les actions expriment les priorités des dirigeants. Si la RSE ne figurent pas parmi les priorités, elle n’aura pas d’effets et perdra sa crédibilité.
Et pour cause, la RSE n’est pas un dossier comme un autre. Elle implique de placer le curseur sur une échelle de long terme, d’avoir un impact social et écologique positif, de partager la valeur et le pouvoir. C’est un projet qui exige des ressources, des compétences et la mobilisation de toute l’organisation. Il demande du courage et de la détermination.
Alors oui, on peut préférer les termes « contributif» ou « régénératif » à ceux de « responsable » ou « durable», car ils traduisent plus exactement la mission que l’entreprise doit remplir pour répondre aux défis de notre humanité. Mais cela change-t-il fondamentalement la question ?
L’important est ce que l’entreprise veut faire pour contribuer à la transformation de notre modèle de société ; comment elle va s‘y prendre pour élargir son empreinte socio-écologique et conjuguer ses intérêts et ceux des communs ; et enfin, avec quels résultats probants à court, moyen et long termes.
Pour cela, elle doit traduire la RSE en actes utiles et mesurables. Si elle n’évolue pas radicalement, la RSE s’expose à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence, aussi régénérative soit-elle. En revanche, sous l’impulsion de gouvernants audacieux et impliqués, elle pourrait bien être refondatrice !