« S’engager » en RSE n’est pas une mince affaire. On peut s’engager sous la contrainte (règlementaire, actionnariale, réputationnelle, commerciale etc.) ou par conviction personnelle. Quelle que soit sa motivation, sa forme ou son ampleur, la RSE est partout. Mais tous les engagements se valent-ils ?
Dernièrement, La Poste annonçait son engagement dans la lutte contre la dénutrition, Carrefour et Système U communiquaient sur leur engagement contre la violence faite aux femmes, LVMH informait de son engagement en faveur de la réduction de la consommation d’énergie. Toutes ces entreprises ont une démarche RSE notoire. Leurs engagements sont incontestables et nombreux. Pourtant, il devient difficile d’établir un lien entre cet engagement et leur mission première. En multipliant les actions et sans ligne directrice, elles troublent le message. C’est d’ailleurs ce que semble indiquer l’étude réalisée en 2022 par Harris Interactive et Impact France. Celle-ci révélait que l’engagement RSE des entreprises était important ou prioritaire pour 77% des personnes interrogées, mais seulement 23% estimaient que les entreprises faisaient preuve d’un engagement profond. Il existerait donc un écart entre les moyens mobilisés et la perception de la promesse ?
Entre une pression normative qui s’accélère, des exigences croissantes du marché et des modèles d’affaire sans cesse challengés, les entreprises sont soucieuses de se montrer proactives. L’engagement RSE se distinguerait comme un moyen d’offrir une image moderne de l’entreprise, citoyenne et exemplaire. « Exploiter le filon de la RSE » pour avoir plus d’étoffe est devenu une pratique courante. C’est une tentation à laquelle ont cédé beaucoup d’entreprises, s’engeant tous azimuts, avec plus ou moins de succès. Mais cet engagement a désormais son revers : l’indifférence voire le discrédit.
A regarder de près les politiques RSE des entreprises, on constate qu’elles sont souvent sur tous les fronts, occupant le terrain, même si la cohérence entre les engagements et le cœur de mission de l’entreprise est flou : l’important est de ne laisser aucun sujet critique de côté.
Pourtant en adoptant la stratégie de l’omniprésence avant celle du sens, elles sont confrontées à plusieurs défis :
La dimension transformative
Plus le nombre d’initiatives RSE est important, plus leur capacité à transformer la société est faible. Or, les solutions efficaces, réplicables et industrialisables à grande échelle sont celles qui permettront à la transition sociétale de prendre racine et à l’entreprise de se distinguer.
Une entreprise qui s’engage se lie par un contrat moral auprès de ses parties prenantes.
Le pilotage efficace
S’engager sur plusieurs fronts exige des moyens (finances, compétences, partenariats etc.) et des résultats. Or, la capacité d’une entreprise à mobiliser des ressources pour piloter des projets est contrainte. Par ailleurs, la chance de faire aboutir un projet diminue avec le volume d’initiatives. L’engagement doit aussi être guidée par l’efficacité.
La lisibilité de la démarche
Plus l’entreprise investit des domaines variés, plus le récit de la marque est dilué avec un risque de ne pas être vu, compris ou valorisé. Or, un engagement RSE est une opportunité pour renforcer la notoriété de l’entreprise.
L’engagement RSE ce n’est pas « être partout », c’est être là où « on se doit d’être ».
Pour être impactant, l’engagement d’une entreprise doit être le résultat d’un dialogue avec les parties prenantes et renforcer la compétitivité business. Ce manquement fréquent nuit à la réputation de la RSE et aux entreprises, qui en dépit des moyens mobilisés, ne gagnent pas toujours en attractivité pour autant.
Alors à quoi reconnait-on une entreprise engagée ?
C’est une entreprise qui se lie par un contrat moral auprès de ses parties prenantes et qui le respecte. Elle se met dans l’obligation de rendre des comptes, à l’instar de ce qu’elle fait en matière financière. Concrètement, elle se met « en gage ».
Pour savoir sur quoi et comment s’engager, voici quelques pistes : bâtir une stratégie RSE puis s’y référer pour choisir les sujets d’engagement ; en limiter le nombre pour concentrer ses efforts sur un ou deux chantiers stratégiques et maximiser ses chances d’aboutir ; fixer des engagements avec des objectifs S.M.A.R.T.[1] et communiquer sur les résultats ; traduire ces engagements dans les services et les produits et les intégrer dans le business model ; mobiliser toute l’entreprise et les centres de décision en veillant à ce que la RSE soit incarnée par chaque métier; allouer des moyens (compétences, investissements) cohérents pour les atteindre ; aligner la gouvernance de l’entreprise avec ces engagements ; veiller à la cohérence entre les paroles et les actes et assumer ses succès et ses difficultés en toute transparence ; s’engager dans la durée.
S’engager en RSE, c’est décider de jouer un rôle dans la construction d’un projet de société. C’est faire des choix qui peuvent être structurants pour l’entreprise (et son écosystème) et accepter la mise en cohérence que cela implique. C’est mettre en accord le dire et le faire, assumer que cela nécessitera des compromis et peut-être des renoncements. C’est aussi voir de nouvelles opportunités et intégrer les risques RSE pour améliorer la résilience de l’entreprise. C’est enfin accepter de naviguer à vue et s’adapter sans cesse dans un environnement en perpétuelle évolution.
L’engagement est en conclusion un sujet éminemment stratégique et pas une simple déclaration d’intention. C’est un marqueur qui révèle la véritable identité de l’entreprise et le sens de sa mission. C’est pour cela que s’engager en RSE est un sacré défi. Cela demande de la méthode, du courage et de la constance. On ne s’engage ni pour faire plaisir, ni par hasard. On s’engage parce que c’est indispensable à la pérennité de l’entreprise. C’est pour cette raison que le choix d’engagement doit aussi être le fruit d’un travail de réflexion avec le conseil d’administration et la direction générale.
On ne s’engage ni pour faire plaisir, ni par hasard. On s’engage parce que c’est indispensable à la pérennité de l’entreprise.
Notre société a besoin d’engagements qui apportent des réponses utiles aux enjeux de la transition sociétale. La capacité de l’entreprise à se saisir de cette exigence conditionne désormais non seulement sa performance et sa crédibilité, mais aussi l’attractivité des talents, l’implication de ses collaborateurs et l’intérêt du marché. Il est temps de faire bien !
[1] SMART : Spécifique Mesurable Atteignable Réaliste Temporel