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Votre rapport RSE est-il à la hauteur ? Les incontournables principes d’un rapport RSE réussi.

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« On ne peut pas mettre dans notre rapport RSE[1] une information qui nous dessert, ça envoie un mauvais signal au marché. ». Cette crainte de révéler publiquement un tableau brut de la réalité a souvent détourné le rapport RSE de sa vocation première : informer. Elle est aussi symptomatique d’une mauvaise compréhension de l’enjeu de ce document.

Il est certain que la multiplicité des standards de reporting[2] et l’absence d’obligation règlementaire dans de nombreux pays jusque depuis les années 2000, ont permis une grande liberté de choix dans les informations publiées. La dimension stratégique du rapport RSE n’ayant pas toujours été considérée à sa juste mesure, il a été plus utilisé comme un outil de promotion de l’engagement de l’entreprise que comme un instrument de gouvernance.  Or, à l’instar du rapport de gestion qui informe sur la santé financière, la vocation du rapport RSE est d’informer sur les performances extra-financières.

Les parties prenantes y sont particulièrement attentives car elles dévoilent une autre facette de l’entreprise et nourrissent leurs décisions : Faut-il faire confiance à cette organisation ? Dois-je consommer ses produits ? Est-ce pertinent d’investir dans ces actifs ? Dois-je accepter cette offre d’emploi ? etc. Le rapport RSE est un document qui doit décrire avec justesse ce que l’entreprise entreprend pour contribuer à la transition écologique et sociale et avec quelle efficacité elle y parvient. C’est aussi un document qui doit expliquer comment elle évolue pour concilier prospérité économique, limites planétaires et bien-être humain. C’est en synthèse un document stratégique.

Depuis peu, cette vision gagne du terrain. Sous la pression de parties prenantes attentives, d’un marché financier prudent et d’une règlementation qui se standardise et se durcit, les pratiques évoluent. On attend des entreprises qu’elles soient plus transparentes, notamment sur leur façon de gérer les opportunités et les risques liés aux enjeux de développement durable, qui pourraient avoir un impact sur leurs actifs, leurs opérations et leur réputation.

Mais bâtir un tel rapport ne va pas de soit. La loi ne dit pas tout et les parties prenantes non plus. Quelle soit cotée ou non, petite ou grande, l’entreprise a intérêt à publier un rapport RSE. Alors comment s’y prendre ? Quels principes observer ? Quels écueils éviter ? Dans cet Œil de Sophie je vous donne des clefs pour faire de votre rapport de durabilité, un atout.

Concentrez-vous sur vos principaux enjeux RSE. Une stratégie RSE est construite à partir de ses enjeux les plus « matériels ». Cela signifie qu’elle donne la priorité aux sujets sur lesquels elle peut exercer son influence et qui sont aussi d’une grande importance pour ses parties prenantes. Elle n’est pas le fruit de sensibilités collectives ou d’intuitions personnelles. Elle est issue d’une analyse des risques, d’un dialogue avec les parties prenantes, d’une matrice de matérialité[1]. Focalisez-vous sur les 3 ou 5 enjeux prioritaires qui constitueront la colonne vertébrale de votre stratégie RSE et donc de votre rapport. 

Acceptez vos vulnérabilités. Votre niveau de dépendance à une ressource naturelle peut constituer un risque ; certaines de vos activités peuvent être compromises à moyen ou long termes. Parlez de ces fragilités, évoquez les actions pour limiter les impacts sur l’entreprise et la société et expliquez les mesures pour vous adapter à ces changements.

Allez à l’essentiel. Quel message voulez-vous faire passer ? Quel impact voulez-vous mettre en évidence ? Un rapport RSE se concentre sur les informations utiles à partager. Elles doivent être reliées à vos enjeux et à vos engagements ou à vos obligations règlementaires. Les informations qui n’entrent pas dans ce cadre n’ont pas de raison d’y figurer. Exit donc le recensement d’initiatives variées qui en cherchant à valoriser l’entreprise diluent la pertinence du message de fond.

Quantifiez vos engagements et vos réalisations. Les engagements sont crédibles à condition d’y associer des objectifs SMART (Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalistes et Temporellement définis). De même, vos plans d’actions, les bénéfices attendus et les résultats obtenus doivent être chiffrés. Expliquez le dispositif mis en place pour piloter vos résultats.

Fiabilisez vos données. Les données présentées dans le rapport divulguent vos résultats publiquement et permettent d’établir le profile de votre performance extra-financière. Leur pertinence, leur fiabilité comme leur exhaustivité sont d’autant plus cruciales qu’elles servent aux investisseurs et aux agences de notation extra-financières pour vous évaluer.  Veillez à ce qu’elles soient matérielles, comparables et concrètes, pour être utiles aux parties prenantes. Enfin, veillez à les rendre vérifiables (voire auditables par une organisme tiers indépendant).  

Outillez-vous pour gérer les données. Les données à collecter sont variées et volumineuses.  Souvent dispersées dans l’entreprise, leur collecte peut s’avérer fastidieuse en temps et en ressources mobilisées (contributeurs et géographies). Evitez l’usage de tableurs qui  ajoutent de la complexité et du risque. Outillez-vous : cela vous permettra d’industrialiser le processus de collecte, de normaliser les données et de les tracer. Formez vos équipes pour qu’elles comprennent et analysent les données de manière impartiale, et s’en servent pour piloter l’activité. 

Couvrez tous les sujets. Le rapport RSE doit couvrir tous les domaines de la RSE (environnement, social, sociétal, économique, gouvernance). En fonction de vos enjeux, tous n’auront pas le même poids dans votre stratégie RSE, en revanche, tous seront dans votre radar.  Les dix principes du Pacte mondial des Nations unies et les ODD constituent un cadre intéressant à considérer. 

Misez sur la précision et la complétude. Les informations détaillées permettent d’évaluer la pertinence et l’efficacité de la démarche. Evitez les données lacunaires qui peuvent conduire (des agences de notation par exemple) à estimer les données manquantes, avec une possibilité d’erreur en votre défaveur. Evitez aussi les informations ambiguës qui peuvent mener à des interprétations erronées.

Soyez équilibré dans votre communication. Le rapport RSE doit présenter aux parties prenantes une image fidèle de la situation de l’entreprise. Il ne doit ni embellir, ni dissimuler d’information. Il doit divulguer les succès comme les défis rencontrés et les non-réalisations. C’est aussi une opportunité pour expliquer l’effort consenti par l’entreprise (décisions prises, approches innovantes, ressources mobilisées) afin d’atteindre l’objectif fixé. Gardez en tête qu’un tableau équilibré et nuancé est spontanément plus crédible qu’un portrait sans aspérité.

Partagez ce qui se joue en interne. Expliquer comment l’entreprise se transforme de l’intérieur : comment elle aligne sa stratégie RSE et sa gouvernance, comment son portefeuille d’activité s’adapte, comment les processus de décision évoluent (ex : investissement, expertise, rémunération etc.) , comment les compétences et les pratiques changent etc. Les résultats de ces changements peuvent être longs à être visibles, il est donc important d’en parler.

Soyez cohérents dans la durée. Rien n’est plus contre-productif qu’une décision qui contredit un engagement de l’entreprise. Alignez les paroles et les actes pour susciter la confiance dans votre engagement RSE. Toute incohérence peut semer un doute légitime et mettre à mal des efforts sincères en faveur de la transition écologique et sociale.

Installez un langage commun. Un autre intérêt du rapport RSE est d’embarquer les collaborateurs dans le projet. Pour relever le défi, tous les employés doivent être sur la même longueur d’onde, travailler de concert et avoir le sens de l’objectif commun. En partageant officiellement son ambition, son plan de transition et les  indicateurs d’impact, le document permet à chaque métier de s’approprier le sujet et de contribuer à sa transformation.

Rendez accessible votre rapport. Il doit être facile à trouver sur votre site web et téléchargeable. Utilisez-le comme une opportunité pour parler de votre entreprise aux agences de notation extra-financière, aux ONG, aux écoles et universités etc. Sortez-le de sa « tour d’ivoire » : incitez les membres du COMEX à s’en emparer pour piloter les efforts et la performance. Enfin, n’hésitez pas à rendre vos données disponibles en opensource : cela contribue à une meilleure compréhension des données, au dialogue avec vos parties prenantes, à créer des terrains de collaboration avec votre secteur ou encore à développer  l’innovation par exemple.

Donnez à voir et apportez de la valeur. Expliquez en quoi l’entreprise apporte des bénéfices à la société. De quelle façon elle contribue à répondre aux défis écologiques et sociaux et en quoi, si elle disparaissait, la société perdrait un atout.

Connectez la RSE au business. La RSE est au service de la pérennité de l’entreprise. Elle doit contribuer à renforcer sa solidité économique.  Le rapport permet d’expliquer comment elle prend en compte les enjeux environnementaux et sociétaux dans son business model pour s’adapter et perdurer.

Focalisez-vous sur vos impacts. En présentant vos impacts, vous reconnaissez votre part de responsabilité dans la création d’externalités négatives mais aussi dans votre capacité à les résoudre. En matière de reporting, centrez-vous sur les bénéfices tangibles produits par vos décisions et vos actions: ils doivent être mesurables et perceptibles par vos parties prenantes. Cette approche par les impacts doit guider votre ligne de communication, quel que soit le sujet traité.

Evitez la panoplie d’indicateurs. Concentrez-vous sur vos indicateurs « matériels » (ce qui comptent pour votre activité) et les indicateurs « standards » (ceux fixés par les normes, lois, standards internationaux). Tout indicateur publié doit être piloté. Sélectionnez-en 3 ou 4 pour les intégrer aux tableau de bord de la direction générale. Veillez à ce que chaque indicateur soit assorti d’un objectif, de moyens et d’un calendrier.

Choisissez un sponsor de haut niveau. L’implication de la direction générale influera sur la qualité et l’utilisation du rapport. Pour en faire un document stratégique et mobiliser l’attention des décideurs, il doit être placé sous la responsabilité d’un membre du COMEX et élaboré en collaboration avec la direction financière.

Anticipez les exigences règlementaires. Les informations contenues dans le rapport RSE sont cadrées par des règlementations nationales et européennes (cf. NFRD[2], DPEF[3] et bientôt CSRD[4], ESRS[5]) ou suggérées par des organismes internationaux. Les entreprises non encore ciblées par la loi peuvent publier un rapport RSE de façon volontaire. Sans pour autant s’astreindre aux mêmes exigences, elles peuvent commencer à se familiariser avec les nouvelles règles et les intégrer progressivement pour être prêtes le jour J. C’est un bon signal envoyé aux parties prenantes et un avantage compétitif.

Communiquez en interne. Pensez à communiquer avant, pendant et à la fin de la publication. L’objectif est d’expliquer, mobiliser et responsabiliser les personnes impliquées à tous les stades du projet (de la collecte de données à la diffusion du rapport) et dans la durée. La communication s’adresse aux collaborateurs et aux dirigeants (ex : RH, achat, finance, innovation, juridique, commercial, opération etc.).

Impliquez les instances de gouvernance. Les membres du COMEX comme ceux du conseil d’administration ne sont pas toujours impliqués de la parution du rapport. Il est essentiel qu’ils connaissent son contenu, comme ils connaissent le rapport financier. Organisez des sessions de présentation permettant aux dirigeants de se l’approprier et d’intégrer les enjeux clefs.

Informez les parties prenantes externes. Le rapport RSE est une excellente occasion pour dialoguer avec vos parties prenantes. Les instances représentatives du personnel, les collaborateurs, mais aussi les actionnaires, les élus ou encore les associations avec lesquelles vous collaborez apprécieront d’être tenus informés des progrès réalisés et des difficultés rencontrées.


Avec les évolutions récentes, le reporting extra-financier devrait gagner ses lettres de noblesse. Qu’elles y soient contraintes par la règlementation ou pas encore, les entreprises ont intérêt faire du rapport RSE un instrument stratégique pour gouverner l’entreprise et un dossier tactique pour informer les parties prenantes. Il n’est pas nécessaire d’avoir un programme RSE abouti, des résultats concluants ou une gouvernance exemplaire pour publier un rapport de durabilité. Dès que vous avez initié une démarche RSE, vous avez intérêt à formaliser un document qui évoluera au rythme de votre programme. Expliquez ce que vous voulez faire, comment vous vous y prenez et rendez compte fidèlement de vos résultats. A l’instar du rapport financier, considérez-le comme central. A condition de suivre les recommandations énoncées ici, c’est une excellente opportunité pour consolider la confiance en votre entreprise, et faire rayonner votre réputation. Et si vous hésitez encore, dîtes-vous que dans tous les cas, il vous sera utile pour une levée de fond, une notation extra-financière ou encore un référencement client. Vous avez donc tout à gagner.


[1] Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE) [2] Exemple : Global Reporting Initiative (GRI), World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), UN Global Compact, CDP, IIRC, SASB etc. [3] La matrice de matérialité permet d’identifier et de hiérarchiser les enjeux RSE les plus importants pour l’entreprise et ses parties prenantes. Les priorités RSE sont déterminées à partir des résultats. [4] Non Financial Reporting Disclosure (NFRD) ou Directive sur la publication d’informations non financières. [5] Déclaration de performance extra-financière (DPEF) [6] Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) ou directive sur les rapports de durabilité des entreprises. [7] European Sustainability Reporting Standard (ESRS) ou normes européennes d’information sur le développement durable.

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Sophie Chambon

Avec L’œil de Sophie, je pose un regard critique et constructif sur un sujet d’actualité où une RSE engagée et puissante peut faire la différence.

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